La municipalité saint-rémoise vient de signer une convention de partenariat avec la municipalité de Barbentane présentée par le journal La Provence du 29 aout, sous le titre : « Des tricots faits à Saint-Rémy pour décorer les arbres ».
Saint-Rémy-de-Provence exporte donc son savoir-faire. G Graines essaime !
Ce projet était annoncé par l’adjoint à la culture saint-rémois auprès de la Fédération nationale des collectivités pour la culture comme « le socle fondamental de la politique culturelle que je souhaite mener ».
Le même adjoint le présente dans La Provence comme un « projet en extérieur - qui - permet un embellissement de la ville » (cf. Interview 29.08.21)
Une question peut - doit - être posée : l’embellissement fait-il socle culturel ?
Il est par ailleurs légitime de s’interroger sur la réalité de ce qui nous a été proposé au regard du descriptif initial de ce projet (cf. Site de la ville) :
« Le projet G-Graines (acronyme de Générations, Rue, Art, Interventions, Nature, Environnement et Saint-Rémy-de-Provence) a pour ambition d’enrichir notre patrimoine immatériel commun, de raconter une histoire collective sur Saint-Rémy, et ainsi de transmettre une mémoire d’aujourd’hui aux Saint-Rémois de demain.
Le point d’origine de ce projet réside dans la volonté de la ville d’inscrire la nature comme source d’inspiration artistique.
Cette action conjuguée des services culturels (musée des Alpilles – bibliothèque Joseph Roumanille et service de l’action culturelle) revêt un caractère artistique, environnemental et intergénérationnel dans l’espace public
Elle permet de créer un nouveau rapport entre les institutions culturelles et les Saint-Rémois
Cette démarche sensible par l’art vise à permettre aux habitants, et aux visiteurs, de se questionner sur leur appropriation de l’espace public, la place de la nature en ville et ainsi de créer une référence culturelle commune. En effet, les mutations du cadre de vie peuvent parfois être vécues par les habitants comme la fin d’un monde qui était le leur. Certains ne reconnaîtront pas et ne s’approprieront pas ce nouvel environnement.
L’enjeu de G-GRAINES consiste donc à impulser un patrimoine immatériel commun, à relater une histoire collective et garantir une mémoire. »
- En quoi emmitoufler de nombreux arbres saint-rémois est-il une « démarche sensible par l’art » ? Un seul spectacle suffit-il à répondre à cet objectif ?
- En quoi les animations proposées par les services culturels municipaux ont-elles créé « un nouveau rapport entre les institutions culturelles et les Saint-Rémois », sachant au demeurant que les seuls services municipaux ont porté cette initiative pour ses aspects culturels ?
Au delà des effets de mots, quelle est la réalité de ce « nouveau » rapport ?
- Une opération de tricots ayant mobilisé les bonnes volontés et l’énergie de Saint-Rémois(es) d’un côté et la réalisation d’un panneau par les élèves d’une école publique créent-ils une « dynamique intergénérationnelle » ?
- Les arbres transformés en totems et des panneaux dispersés dans la ville, au format si petit qu’il en sont à peine lisibles, permettent-ils aux habitants et aux visiteurs de « se questionner sur leur appropriation de l’espace public, la place de la nature en ville et de créer une référence culturelle commune » ? « La fin d’un monde qui était le leur » est-elle aujourd’hui perçue différemment ?
Quelles perspectives futures sont-elles offertes aux habitants par ces éléments dispersés et sans relation explicite entre eux ?
- Enfin, que veut dire « impulser un patrimoine immatériel commun » et « garantir une mémoire » ? Impulse-t-on un patrimoine ? Les arbres sont-ils immatériels ? La mémoire collective n’est-elle pas davantage le fruit d’une vie culturelle et sociale vivante et partagée que d’une idée abstraite dont le sens nous échappe ?
AINSI :
- Tout ces éléments distincts posés dans les espaces publics sans relation claire devant permettre à chacun d’en comprendre le sens, de s’en enrichir et de partager une « mémoire commune » font ils un projet culturel fondamental ?
- Alors qu’un lieu emblématique de Saint-Rémy comme les arènes Barnier, doté d’arbres historiques, vient de réouvrir, pourquoi ne pas y avoir rassemblé les panneaux créés pour construire un discours compréhensible et rassembler visiteurs et Saint-Rémois dans un partage de l'histoire locale ? Pourquoi avoir choisi un format si petit que les textes en sont presque illisibles ? (Un hommage devant cependant être rendu à l’artiste qui les a réalisé, décédé depuis)
- En quoi le fait d’emmitoufler les arbres, en souffrance pour la plupart, répond-il à l’objectif annoncé de « croiser enjeux culturels et environnementaux » ? Qui comprend le sens subliminal d’une démarche qui n’est expliquée nulle part et et avant tout perçue comme décoration de l’espace public.
Et enfin :
Où est l’art dans tout cela, alors que la présentation du projet annonce que « Le point d’origine de ce projet réside dans la volonté de la ville d’inscrire la nature comme source d’inspiration artistique » ?
Alors que la notoriété internationale dont Saint-Rémy-de-Provence bénéficie est en grande partie née du talent d'artistes exceptionnels, tels Van Gogh, Prassinos, entre autres, qui ont trouvé dans son environnement - et ses arbres - matière à inspiration, pourquoi ne pas avoir installé en ville des reproductions de ces œuvres et ainsi rappeler à tous l’existence et la force de ce patrimoine commun ? Alors que Saint-Rémy-de-Provence est doté d’un musée d’art moderne et contemporain (Musée de France) riche d’une très belle collection d’œuvres ayant les arbres comme sujets et alors qu’une exposition consacrée au paysages avait lieu pendant la « Biennale G Graines » pourquoi ne pas avoir mis en valeur ce capital exceptionnel et ainsi vraiment mis en lumière le rôle des artistes dans la perception de l’environnement, et des arbres en particulier ?
L’espace public a été utilisé. Certes. Mais « créer un nouveau rapport entre les institutions culturelles et les Saint-Rémois » ne consisterait-il pas à travailler avec ces institutions hors les murs et à accompagner les habitants dans la découverte de la vie des musées, leur patrimoine culturel commun ?
L’adjoint à la culture énonce comme objectif de « mettre la culture à disposition des gens qui ont manqué de cet art depuis la crise sanitaire. » (article de La Provence)
La période très particulière que nous traversons, qui a privé chacun d’entre nous de culture durant de long mois et les artistes de relations avec leurs publics eut mérité un projet culturel mobilisateur, réellement doté de sens et faisant une large place aux artistes.
Objectif raté.
Ce coup d’essai est un coup d’épée dans l’eau. Les Saint-Rémois et nos visiteurs méritent autre chose.